Sur un marché du médicament attendu en hausse au cours des prochaines années, plusieurs segments paraissent particulièrement attractifs. Portés par l'innovation, l'oncologie, l'obésité, le diabète ou la dermatologie s'imposent ainsi comme des catégories où les laboratoires renforcent leurs investissements et accélèrent leur R&D.
Sur un marché du médicament attendu en hausse au cours des prochaines années, plusieurs segments paraissent particulièrement attractifs. Portés par l'innovation, l'oncologie, l'obésité, le diabète ou la dermatologie s'imposent ainsi comme des catégories où les laboratoires renforcent leurs investissements et accélèrent leur R&D.
Par Samuel Arnaud - Publié le 14/02/24
Le marché mondial des médicaments pourrait grimper de 3 à 6 % chaque année jusqu'en 2027 pour atteindre 1 900 milliards de dollars, selon une étude menée par le spécialiste des données de santé IQVIA. La progression du secteur devrait avoisiner les 5 % au sein des principaux pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne) et en Amérique du Nord (États-Unis, Canada). Plusieurs autres territoires affichent des prévisions de croissance supérieures, proches des 10 %, à l'image de l'Inde, du Brésil ou du Mexique. La Turquie avoisinerait même les 30 % d'augmentation. Cette croissance s'avère stimulée par l'innovation, notamment liée à des segments reflétant l'évolution sociétale des pays développés (vieillissement), ainsi que les habitudes de vie de leurs habitants, qui favorisent la propagation de certaines maladies (cancer, obésité, diabète, etc.).
Oncologie et obésité, deux aires thérapeutiques amenées à prendre de l'ampleur
Les revenus générés par l'oncologie pourraient s'élever à 377 milliards de dollars en 2026, suite à une croissance annuelle de 13 à 16 %. Le segment constitue une priorité de recherche pour de nombreux acteurs de l'industrie pharmaceutique. "Comment rivaliser en oncologie, alors que tous les grands laboratoires investissent massivement dans ce domaine ?", s'interrogeait Industrie Pharma magazine à l'automne 2022. En France, Sanofi a renforcé sa collaboration avec l'institut Gustave Roussy, spécialisé dans la lutte contre le cancer, en dévoilant en janvier 2023 trois nouveaux projets de recherche précoce. De son côté, Servier a fait le choix de concentrer sa R&D sur les cancers difficiles à traiter (pancréas, voies biliaires, colorectal, etc). "En étant un laboratoire de taille moyenne, nous avons besoin d'un positionnement précis pour être compétitifs. Il faut comprendre la biologie des cancers sur lesquels on se positionne et se focaliser dessus", indique Claude Bertrand, directeur de la R&D de Servier. Une stratégie également adoptée par Pierre Fabre, qui accélère depuis plusieurs années sur ce terrain. "La seule façon pour nous d'exister sur ce marché est de viser des niches thérapeutiques qui n'intéressent pas forcément les gros laboratoires", souligne Éric Ducournau, directeur général du laboratoire. En 2022, Pierre Fabre avait réalisé 463 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'oncologie, deux fois plus qu'en 2019.
La France compte aussi de jeunes biotechs performantes dans le secteur, telles que Domain Therapeutics, spécialisée en immuno-oncologie et qui compte plusieurs partenariats avec de grands groupes (Pfizer, Boehringer Ingelheim, etc.), ou Advanced Biodesign, qui développe une thérapie ciblée en oncologie et s'avère soutenue par Bpifrance dans le cadre de l'appel à projets i-Demo, dédié au "développement de produits ou services très innovants et à haute valeur ajoutée".
À l'international, cette dynamique se retrouve chez Bayer (Allemagne), qui vise à terme les 10 milliards d'euros de vente en oncologie en se spécialisant dans les cancers gastro-intestinaux et de la prostate ; Moderna (États-Unis), qui teste un vaccin à ARN messager contre les tumeurs ; ou AstraZeneca (Royaume-Uni / Suède), dont l'oncologie représentait 38 % du chiffre d'affaires en 2021, contre 13 % en 2012.
L'obésité s'affirme comme une autre catégorie porteuse. "Le surpoids, eldorado de la Big Pharma", titre Challenges en novembre 2023. Selon la banque Morgan Stanley, le marché des médicaments contre l'obésité pourrait passer d'environ 15 milliards de dollars en 2024 à plus de 75 milliards en 2030. Les progrès de la recherche ont permis de faire émerger de nouveaux médicaments contrôlant la glycémie et réduisant la sensation d'appétit. "Depuis la découverte de ces effets coupe-faim mirobolants, la Big Pharma investit en masse pour décliner la recette magique de ces antidiabétiques dans le traitement de l'obésité", observe Challenges. Le laboratoire danois Novo Nordisk et l'américain Eli Lilly apparaissent comme les deux leaders du segment. Derrière, d'autres grands groupes comme Pfizer, AstraZeneca ou Amgen accélèrent pour se faire une place sur ce secteur prometteur, particulièrement aux États-Unis.
Une multitude de segments présentant un fort potentiel
IQVIA cite plusieurs autres spécialités amenées à occuper une place grandissante au sein de la recherche pharmaceutique. Le diabète constitue l'une des principales. En 2023, Novo Nordisk et Eli Lilly, qui sont également des acteurs phares sur ce marché, ont investi en France pour renforcer leurs capacités de production. En début d'année, Sanofi avait lui racheté, pour 2,9 milliards de dollars, la biotech américaine Provention Bio, à l'origine d'un produit pour les malades du diabète de type 1. L'Hexagone peut aussi compter sur DiogenX, basée à Nice et seule biotech européenne se consacrant à la recherche sur la régénération des cellules bêta productrices d'insuline.
La dermatologie bénéficie également d'une dynamique encourageante. "C'est un segment encore délaissé par les grands laboratoires, alors qu'il s'agit pourtant d'une aire thérapeutique en forte croissance. […] Suivant les différentes analyses, le marché de la dermatologie pourrait progresser de 10 à 15 % ces prochaines années.", estimait en 2023 Christophe Bourdon, PDG du laboratoire danois Leo Pharma, dont 75 % du chiffre d'affaires (1,43 milliard d'euros en 2022) repose sur cette activité. Le groupe multiplie les partenariats avec des biotechs américaines pour booster sa R&D, à laquelle est consacrée tous les ans près du quart de son chiffre d'affaires.
Enfin, l'hypercholestérolémie (5 à 8 % de croissance d'ici 2026), l’immunologie, le respiratoire, la gastro-entérologie et la douleur (+3 à 6 % d'ici 2026 pour chaque segment) représentent aussi des aires thérapeutiques sujets à un fort potentiel d'innovation selon IQVIA.
Principales sources utilisées pour la rédaction de cet article :
· Colmont Christine, "Marché pharmaceutique : croissance pérenne jusqu’en 2027", pharmaceutiques.com, 9 mars 2023
· De Foucaud Isabelle, "Le surpoids, eldorado de la Big Pharma", Challenges, 30 novembre 2023, p.86-88
· De Foucaud Isabelle, "Pierre Fabre dose sa recherche avec succès", Challenges, 19 octobre 2023, p.80-81
· Lemarchand Mathilde, "Leo Pharma mise sur les biologiques", usinenouvelle.com, 2 juin 2023
· Viudez Nicolas, "Servier fait le choix de l'hyperspécialisation", Industrie pharma magazine, octobre 2022, p.8