En franchissant la barre des 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière fin mai, le fabricant américain de semi-conducteurs Nvidia semble avoir conquis un nouveau statut. Ses puces puissantes s'imposent comme des références sur le marché de l'intelligence artificielle, avec un temps d'avance sur la concurrence.
En franchissant la barre des 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière fin mai, le fabricant américain de semi-conducteurs Nvidia semble avoir conquis un nouveau statut. Ses puces puissantes s'imposent comme des références sur le marché de l'intelligence artificielle, avec un temps d'avance sur la concurrence.
Par Samuel Arnaud - Publié le 15/06/23
Historiquement orientées vers les jeux vidéo, les puces graphiques de Nvidia ont profité des progrès technologiques pour devenir des composants essentiels dans de nombreux secteurs : blockchain, cloud, et aujourd'hui intelligence artificielle. En une décennie, sa division "centre de données" est passée de 300 millions à 15 milliards de dollars de revenu, soit plus de la moitié du chiffre d'affaires global du groupe, établi à 27 milliards de dollars en 2022. L'utilisation en hausse de semi-conducteurs dans des domaines variés, depuis les objets connectés jusqu'à l'automobile en passant par la robotique, incite Nvidia à être optimiste pour l'avenir, spécialement à court terme. Jensen Huang, le dirigeant de l'entreprise, a indiqué que cette dernière souhaitait "augmenter considérablement sa capacité de production pour répondre à une demande croissante".
L'intelligence artificielle, nouvel eldorado
Les différentes prévisions font état d'une forte croissance à venir sur le marché des semi-conducteurs dédiés à l'IA. Selon le cabinet Gartner, il pourrait atteindre 110 milliards de dollars en 2027, suivant une augmentation annuelle moyenne de 20 %. Pour xResearch, le secteur pèserait même 228 milliards de dollars d'ici 2030. Nvidia, qui possédait 85 % du marché des processeurs graphiques en 2022 d'après Jon Peddie Research, veut assoir sa domination en maîtrisant son virage vers l'IA, considérée par Jensen Huang comme "une révolution équivalente à celle qu'à constitué l'arrivée de l'iPhone dans l'industrie de la téléphonie portable". "Comme souvent dans le domaine des technologies, le premier arrivé détient un avantage considérable", rappelle Le Monde.
Nvidia se concentre plus particulièrement sur l'intelligence générative, mise en lumière par le phénomène ChatGPT. Ces nouveaux outils, capables de produire par eux-mêmes du texte ou des images, nécessitent des puissances de calcul colossales. Avec ses semi-conducteurs de dernière génération, Nvidia veut répondre à ces besoins et même en imaginer de nouveaux. Lors de Computex, un salon taïwanais ayant eu lieu en mai, Jensen Huang a listé des services inédits qui pourraient bientôt voir le jour : transformation d'appels vidéo 2D en expériences 3D, création de dialogues avec les personnages non-joueurs dans les jeux vidéo, plateforme de "superordinateurs IA" permettant la génération de modèles de langage pour les chatbots génératifs… Des géants technologiques comme Google, Meta ou Microsoft ont déjà accès à ces nouvelles fonctionnalités.
Pénurie, concurrence en approche et bulle boursière
La dynamique de Nvidia se heurte toutefois à plusieurs obstacles. Le premier, le plus récurrent dans le secteur, concerne la crainte d'une pénurie, alors que Nvidia a été régulièrement confronté à un manque de stocks sur ses cartes graphiques depuis 2020. "[Il est plus difficile aujourd'hui] de se procurer des processeurs graphiques que de la drogue", ironisait l'homme d'affaires Elon Musk auprès du Wall Street Journal.
Ensuite, la concurrence pourrait contrecarrer les plans de Nvidia. Son principal rival, AMD, a dévoilé en juin un nouveau modèle de puce censé être plus performant que ceux de Nvidia, et qui sera commercialisé en fin d'année 2023. Soutenu par Microsoft, selon les informations de Bloomberg, AMD fait de l'IA générative "sa priorité stratégique numéro un", indique Lisa Su, dirigeante de la société. Intel, autre acteur phare du marché des semi-conducteurs, pourrait également débarquer sur le segment en 2025, de même que plusieurs spécialistes asiatiques. Google et Meta ont aussi fait part de leur volonté de concevoir leurs propres produits. "Une démarche logique pour des entreprises, qui, in fine, contrairement à Nvidia, aspirent à développer les services associés au potentiel de l’IA générative", analyse Le Monde.
Enfin, la brusque progression boursière de Nvidia, dont le cours de l'action a plus que doublé en moins d'un semestre, incite certains à la prudence. Cathie Wood, PDG de la société de gestion Ark Invest, estime que le fabricant est surévalué, même si sa réorientation vers l'intelligence artificielle est judicieuse. Plusieurs analystes restent également mesurés sur les prévisions d'envolée brutale du marché des semi-conducteurs : si les usages de ces puces se multiplient, la demande dans l'électronique grand public et les serveurs demeure "molle", relais Les Échos.