Au sein d'une industrie des semi-conducteurs devenue très stratégique, l'Allemagne cherche à renforcer sa souveraineté. Sa "Silicon Saxony", pôle d'excellence de microélectronique, constitue son atout principal pour attirer les industriels et relocaliser la production, en adéquation avec les besoins européens.
Au sein d'une industrie des semi-conducteurs devenue très stratégique, l'Allemagne cherche à renforcer sa souveraineté. Sa "Silicon Saxony", pôle d'excellence de microélectronique, constitue son atout principal pour attirer les industriels et relocaliser la production, en adéquation avec les besoins européens.
Par Samuel Arnaud - Publié le 20/06/23
Faits, tendances et initiatives
v L'Allemagne s'active pour accélérer la production de semi-conducteurs sur son territoire et réduire sa dépendance aux acteurs asiatiques, suivant ainsi les initiatives européennes mises en place pour développer cette industrie (43 milliards d'euros de financements publics et privés via le "Chips Act" européen, Projets importants d'intérêt européens communs (Piiec) dédiés à l'innovation…).
v La "Silicon Saxony" se trouve au cœur de la stratégie allemande. Ce pôle de compétences, le premier européen en microélectronique, réunit 2 500 entreprises et 64 000 emplois. Une puce européenne sur trois est produite ici. "Une fabrique de semi-conducteurs a besoin d'équipementiers, de fournisseurs de produits chimiques, de gaz, d'entreprises de maintenance… Ici, cette chaîne de valeur est présente, que ce soit via des PME locales ou les filiales régionales des groupes internationaux. […] Enfin, on trouve ici un dense réseau d'universités et de laboratoires de recherche, avec qui nous avons des contacts quasi quotidiens pour développer de nouveaux produits", indique Christian Koitzsch, directeur de la nouvelle usine Bosch inaugurée en 2021. Seuls les process "back-end" (tests, assemblage) restent trop peu représentés.
v Les projets se multiplient pour développer la production : nouveau centre de R&D et agrandissement du site né en 2021 pour Bosch, installation de machines pour performantes pour l'américain GlobalFoundries, annonce de la construction future de deux nouvelles usines Intel… Derrière ces géants, les sous-traitants suivent aussi le mouvement, à l'image de Jenoptik, spécialiste de l'optoélectronique, qui a investi 70 millions d'euros dans un bâtiment destiné à augmenter sa production de microcapteurs utilisés dans la lithographie des semi-conducteurs.
v Si ses capacités de production augmentent, l'Allemagne souhaite surtout profiter de cette dynamique pour se positionner sur les segments délaissés par les acteurs asiatiques ou répondant plus précisément à la demande européenne. Bosch préfère ainsi se concentrer sur les semi-conducteurs pertinents pour l'électromobilité, dont la demande européenne est réelle, plutôt que pour l'électronique de pointe, où la fabrication reste très localisée en Asie.
v Cette volonté se retrouve également dans les centres de R&D, qui cherchent à rebâtir le réseau de compétences nécessaires aux débouchés pertinents pour l'Europe. Les instituts Fraunhofer ciblent par exemple les micro-écrans Oled sur silicium, utilisés dans la réalité augmentée, les capteurs de mesure ou les lecteurs d'empreinte digitale.
Sélection d’acteurs
· GlobalFoundries : le fondeur américain a investi 1 milliard d'euros dans son usine de Dresde afin de faire passer la production de 300 000 à 850 000 wafers par an. Une deuxième extension de capacités est déjà programmée pour l'avenir.
· Bosch : le groupe allemand a investi 1 milliard d'euros dans une usine de puces électroniques, inaugurée en juin 2021. Un an plus tard, il a lancé deux projets sur ce site : la construction d'un nouveau centre de R&D, pour 55 millions d'euros, et l'ajout de 3 000 m² de salles blanches, pour 250 millions d'euros.
· Intel : le poids lourd des semi-conducteurs a annoncé la construction à venir de deux usines à Magdebourg, à deux heures de route de la "Silicon Saxony", pour "profiter à la fois de ce riche tissu industriel et d'un bassin de l'emploi moins tendu". L'investissement total se monte à 17 milliards d'euros.
· Infineon : fabricant allemand de puces présent dans la "Silicon Saxony".
· Siltronic : fabricant allemand de substrats en silicium présent dans la "Silicon Saxony".
· X-Fab : fonderie belge présente dans la "Silicon Saxony".
Paroles d'expert
"Nous répondons à l'appel de la Commission européenne pour retrouver de la souveraineté."
"En Europe, nous nous concentrons sur la fabrication des wafers, à forte valeur ajoutée. Le back-end, qui nécessite beaucoup de main-d'œuvre, a été délocalisé en Asie."
Manfred Horstmann, directeur général de GlobalFoundries en Europe
"Il existe tout un pan d'applications inexplorées. Quand l'Europe a perdu ses fabricants d'électronique grand public, elle a perdu une grande partie de ses compétences dans la conception des puces et dans l'intégration des systèmes."
Uwe Vogel, responsable de la division Microdisplays et capteurs d'un institut Fraunhofer
Synthèse rédigée d'après l'article "L'Allemagne relocalise les semi-conducteurs", in L'Usine nouvelle, n° 3712, novembre 2022
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