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Composants indispensables de l’économie numérique, les semi-conducteurs deviennent un enjeu de souveraineté. La domination asiatique sur la production actuelle ne convient plus aux États-Unis et à l’Europe.

 

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Composants indispensables de l’économie numérique, les semi-conducteurs deviennent un enjeu de souveraineté. La domination asiatique sur la production actuelle ne convient plus aux États-Unis et à l’Europe.

Par Samuel Arnaud - Publié le 08/11/22

 

Présents dans les produits électroniques pour le grand public, les véhicules électriques, les équipements télécoms, les matériels de gestion de réseaux énergétiques et tout ce qui contient une « couche numérique », les semi-conducteurs s’imposent comme des éléments clés dans un nombre croissant d’industries. Les 1000 milliards d’unités vendus annuellement sont régulièrement dépassés depuis 2018, alors que le marché représentait 516 milliards d’euros en 2021 selon Gartner.

Le paysage actuel est largement dominé par l’Asie, où quatre pays regroupent à eux seuls 72 % de la production mondiale. Sur les technologies de pointe, notamment les semi-conducteurs inférieurs à 10 nanomètres, le continent oriental s’avère même seul en course pour le moment, relèvent le cabinet Boston Consulting Group et la Semiconductor Industry Association.

 

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États-Unis et Europe à la manœuvre pour augmenter leurs capacités de production

Pour accroître leur indépendance au sein d’un secteur de plus en plus stratégique, les États-Unis ont adopté à l’été 2022 le Chips and Science Act, un plan à horizon 2026 comprenant 52 milliards de dollars de subventions gouvernementales pour booster la production de semi-conducteurs sur le territoire, ainsi qu’un crédit d’impôt à l’investissement de 24 milliards de dollars pour les entreprises concernées. Une partie des 200 milliards de dollars dédiés à la recherche scientifique américaine sera également aiguillée vers le secteur. « Les partisans du projet de loi affirment qu'il est vital pour l'économie et la sécurité nationale », relaie L’Usine digitale, notamment dans le cadre des tensions commerciales avec la Chine. Les géants américains du secteur, particulièrement Intel, Micron ou Qualcomm, apparaissent comme les principaux bénéficiaires de ces mesures, qui s’ajoutent à leurs propres investissements privés.

L’Union européenne, qui ne représente que 8 % de la production mondiale, a de son côté dévoilé un Chips Act à hauteur de 43 milliards d’euros. Il vise à quadrupler la production de semi-conducteurs sur le sol européen dès 2030. Pour y parvenir, l’UE va accélérer sur la recherche-développement et la mise en place de « mégafabs », des usines capables de produire des puces en grande quantité, qu’importe le niveau de gravure. Cette stratégie inclut le fait d’accueillir en Europe les sites de leaders étrangers : Intel compte ainsi ouvrir deux méga-usines sur le continent au cours de la décennie à venir.

En France, plusieurs acteurs profitent de cet essor pour affirmer leur place sur ce marché bouillonnant. STMicroelectronics, Soitec ou Mersen, actives sur la chaîne de production à divers niveaux, font toutes état de ventes en croissance et de projets d’investissement dans de nouveaux sites ou en R&D.

L’Asie accélère pour garder son avantage

Loin d’attendre le retour de leurs concurrents, les pays asiatiques se mobilisent pour maintenir leur mainmise sur le marché. Leurs plans d’investissement s’avèrent encore plus massifs : la Chine prévoit de dédier 150 milliards de dollars au secteur d’ici 2025, la Corée du Sud cumule 450 milliards d’investissements publics et privés pour 2030. Le Japon prévoit de consacrer 8 milliards de dollars à son industrie au cours des dix prochaines années.

En plus d’être soutenue par les rivalités internationales, cette dynamique est entretenue par la concurrence entre les grands acteurs locaux. La bataille entre TSMC (Taïwan) et Samsung (Corée du Sud), qui s’étend à l’ensemble des puces électroniques pour le poste de leader mondial, pousse chacun à investir un peu plus que l’autre : 100 milliards de dollars pour TSMC sur la période 2021-2024, 150 milliards pour Samsung d’ici 2030.

Cette force de frappe colossale fait de l’autosuffisance dans les semi-conducteurs « un mirage » pour les autres régions du monde, avancent le Boston Consulting Group et la Semiconductor Industry Association. Selon eux, les États-Unis et l’Europe doivent plutôt miser sur l’hyperspécialisation, en se concentrant sur des activités à forte valeur ajoutée (design des puces, fabrication des machines, etc.) ou sur une production ciblée, en se focalisant sur les semi-conducteurs les plus consommés localement ou destinés aux applications les plus stratégiques (télécoms, défense, spatial, etc.).

Samuel Arnaud

Auteur :
Arnaud, Samuel